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Les métiers d'Art : Claude Macabrey, luthier

Installé depuis quelques années montée de la Grande Côte, Claude Macabrey s'inscrit dans la tradition des grands luthiers français qui ont fait la gloire d'un métier qu'il a fallu réinventer.
En effet, avec l'industrialisation des productions à la fin du XIXème siècle, tout le savoir-faire transmis depuis la grande période baroque avait quasiment disparu. Avec le renouveau de la lutherie dans les années 1980, à force d'expérimentations sur les bois, les vernis, et de recherches dans les textes, les luthiers ont retrouvé la voie de l'excellence.

Petit historique de la lutherie

Stradivarius - musée de Madrid
Même si, en Occident, les premiers instruments à corde seraient apparus en Grèce, la plus ancienne représentation d'un instrument à archet à mettre à l'épaule figure dans un manuscrit du IXe siècle. Cet instrument qui possédait une seule corde, est l'ancêtre notamment des célèbres violes. Le premier violon qui sera créé en Italie au milieu du XVIème siècle par Andréa Amati le sera à partir du dessus de viole à trois cordes. Son inventeur sera à l'origine d'une véritable dynastie de luthiers formés à l'école de Crémone qui gagnera ses lettres de noblesse à la fin du XVIIème siècle avec le célèbre Antonio Stradivari, puis Giuseppe Guarneri.
Stradivari atteignit une telle perfection dans la forme du violon qu'elle n'a pas changé depuis et sert toujours de modèle aux luthiers. Sur un millier d'instruments qu'il a créés au cours de sa longue vie ( il est mort à l'âge vénérable de 93 ans ), près de 700 sont parvenus jusqu'à nous, pour certains dans un état de conservation remarquable.

Mirecourt : berceau de la lutherie française

Jean-Baptiste Vuillaume
Dès 1606, la mention "façonneurs de violons" apparaît à Mirecourt, petite ville du Duché de Lorraine située au cœur des Vosges. Les forêts environnantes fourniront la matière première : le bois. Regroupés en "métier" par la charte de la duchesse de Lorraine Elizabeth Charlotte en 1732, la lutherie française prendra son essor à la fin du XVIIème siècle sous l'influence des écoles italiennes et allemandes. Mirecourt, devenue française en 1766, sera le berceau des plus grands luthiers. Certains d'entre eux choisiront de s'installer à Paris auprès des artistes, tel Jean-Baptiste Vuillaume (1798-1875) qui travaillera pour les plus célèbres musiciens et collectionneurs de son temps.
L'arrivée de l'industrialisation au début du XIXème siècle marque un tournant économique auquel Mirecourt répond en créant des manufactures importantes, comme l'entreprise Thibouville, et en diversifiant sa production. Malgré la fabrication en série des pièces, quelques artisans continuent à produire entièrement des instruments de commande et la ville demeure le centre d'apprentissage de la lutherie en France.
Mais à la fin du XIXème siècle, l'école de Mirecourt doit faire face à une production importante en Bavière et dans la région de Bohème qui approvisionnait déjà le marché de Prague.
Ecole Nationale de Lutherie de Mirecourt
Très vite, la concurrence pour conquérir le marché américain fait rage. Très organisés, les Allemands vont même jusqu'à développer des lignes de chemins de fer ou faire installer un Consulat des Etats Unis au plus près des lieux de production afin de faciliter les formalités commerciales pour les exportations d'instruments.
Avec la première guerre mondiale et la crise économique qui a suivi, la lutherie française est en plein déclin. Mirecourt, qui a perdu d'importants marchés survit, mais la fin de la seconde guerre mondiale signe l'arrêt de la production. Laminées par la concurrence allemande, les trois grandes fabriques de la ville disparaissent dans les années 1960. Pourtant, grâce à la volonté de luthiers qui souhaitent transmettre leur savoir, le phénix renaîtra de ses cendres, avec la création de l'Ecole Nationale de Lutherie de Mirecourt en 1970, suivie de celle du musée de la lutherie en 1973 qui veille désormais sur la mémoire de la lutherie française.
Mais la mondialisation a aussi étendu ses tentacules sur le monde de la lutherie. Depuis la fin des années 1990, les instruments à louer, ou à acheter à prix modiques qui étaient auparavant fabriqués dans les Vosges, viennent de Chine.
Aujourd'hui, Mirecourt revit avec une vingtaine d'artisans d'Art qui fabriquent, restaurent et entretiennent violons, altos et violoncelles, sans compter les nombreux métiers rattachés à la lutherie. C'est tout un petit monde qui resurgit fier de son brillant passé mais tourné vers l'avenir et la transmission des savoirs.

Etre luthier à Lyon au XXIème siècle

En France, pour se former, un élève luthier suit un cursus de trois ans, puis il part en tournée dans différents ateliers avant de se fixer, alors que dans les écoles d'Italie ou d'Allemagne, la formation dure cinq années. Les personnes sont beaucoup plus vite opérationnelles dans les ateliers.
A l'école, l'élève va acquérir les fondamentaux, c'est à dire la base gestuelle mais comme le souligne Claude Macabrey, "l'importance de la compréhension de la méthode permet de gagner en efficacité."
Le parcours de Claude est atypique, il ne sort pas du "moule" des luthiers. Après des études scientifiques, il intègre l'atelier des Trois Soleils, très attiré par l'expression plastique, le bois, la sculpture, le dessin ainsi que la musique. "Je devais finir par tomber dans la lutherie..." ironise-t-il.
Pourtant, il lui a fallu de la persévérance, "Luthier ! A 22 ans c'est trop tard !".
De plus, certaines écoles demandent une pratique musicale que Claude ne possédait pas. Ce qui ne l'a pas empêché de devenir un excellent luthier dont les créations se retrouvent à l'autre bout du monde.
Obstiné, il va faire ses preuves en commençant dans un atelier de Firminy où Joël Mentec lui donne sa chance. Pendant 4 ans, patiemment, Claude va acquérir les automatismes de rigueur et d'exigence : méthode, technique, vitesse, en travaillant sur les contrebasses délaissées par les étudiants qui sortent des écoles. "La contrebasse demande plus de travail qu'un violoncelle mais elle n'est pas vendue plus chère pour autant", constate Claude.
Puis en 1981, il rejoint l'atelier de renommée européenne "Jean Schmitt" à Lyon.
Il y découvre le plaisir de restaurer des violons italiens du XVIIIème : "C'est dans la restauration d'instruments anciens que les difficultés techniques trouvent du sens".
Riche de son savoir-faire, Claude part enseigner son art quelques mois au Mexique, à Querétaro.
Puis en 2003, il décide de franchir le pas et s'installe comme luthier.
Dans sa boutique du bas de la Montée de la Grande Côte, il a trouvé son havre. Le lieu de pierre et d'histoire correspond parfaitement à son activité ancrée dans le temps. Luthier n'est pas un métier comme un autre. Les échanges avec ses clients, professionnels en orchestre ou solistes, et étudiants du conservatoire, témoignent d'un enrichissement réciproque autour de l'instrument.
Au quotidien, Claude effectue la restauration de violons anciens toujours avec autant de plaisir. Il assure aussi les réparations dues aux accidents ainsi que l'entretien des instruments, violons, altos, violoncelles. Il en loue également, mais ce qui fait sa fierté ce sont ses créations, ses fabrications dont les plus lointaines commandes viennent d'Outre Atlantique, du Canada, mais aussi du Brésil.

Le secret de sa fabrication : la maîtrise du vernis à l'huile.

"Chaque étape est importante mais l'application du vernis est décisive" explique Claude, puis il rajoute fièrement : "dans la fabrication, très peu de personnes maîtrisent les vernis à l'huile".
Pour faire un beau vernis, il faut un medium, l'huile de lin, qu'on mélange avec de la résine et des pigments, ainsi que de la technique pour appliquer les nombreuses couches qui formeront le glacis.
Claude utilise peu de colorants, la garance, du jaune au rouge bordeaux, la cochenille et l'oxyde de fer.
"Le vernis doit être souple pour accompagner les vibrations du bois sans le brider". Le bois utilisé pour la fabrication de ses violons provient de l'arc alpin, Allemagne, Suisse, Italie, Slovénie. Il utilise l'érable qui "renvoie les vibrations comme un ressort". La table quant à elle est en épicéa", le plus léger et le plus sonore des résineux. Les premiers avions étaient en épicéa", souligne-t-il, malicieusement.
Ebéniste, chimiste, avec des notions de physiques pour comprendre les vibrations, le luthier doit maîtriser de nombreuses disciplines sans oublier l'importance du toucher et de la vue. Et d'hypothèses en vérifications, l'instrument prend forme.
Après un mois de travail, plus de 70 pièces assemblées et quinze couches de vernis, le violon est presque terminé, Claude effectue les derniers réglages. Aucun instrument ne donnera le même son et les différences s'accentuent encore selon le musicien qui en joue.
"C'est la forme des voûtes qui fait le son", explique Claude. Rien qu'à la morphologie d'un violon, il peut vous dire si il est bon ou pas...

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